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I. Pourquoi le banquet?



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Cours en différé du 05 février 2011- Partie 1 - Cours8 de Bernard Stiegler

Prise de notes - Partie 1


Ce cours est dédié au dialogue : Le banquet.


Diotima Pourquoi le banquet?

Le banquet c'est là où, Platon, Socrate d'abord sont en relation avec une prêtresse, Diotima. Nous acheminons vers le banquet, d'abord parce que dans le banquet, il se passe quelque chose d'assez étonnant que c'est une prêtresse qui enseigne à Socrate. Une prêtresse qui vient du monde, de ce qu'on appelle le "muthos".Diotima est un personnage de la société du muthos, société de la croyance, société de la magie, pas exactement de la magie, ce n'est plus une société de magicien. Les sociétés de magiciens sont des sociétés chamaniques, là on n'est pas dans la même société chamanique mais dans une société qu'on appelle mythologique. À propos de la Grèce archaïque, n'ayant aucune valeur négative, archaïque, ici, cela veut dire le plus ancien, au contraire c'est même parfois extrêmement positif.

En principe, Platon et Socrate sont les personnages qui ont fait passer à la société du muthos à la société du logos.

Celle dont laquelle nous vivons encore, une société, où les choses sont logiques, principes de causalité, principes de contradiction, etc. On doit raisonner logiquement, on nous enseigne à l'école à de l'analyse logique, à travers la grammaire, etc.

Socrate Donc, en principe Platon et Socrate sont les fondateurs de la société du logos et on oppose la société du logos à la société du muthos.

La société du logos, c'est une société qui se libère des illusions et des croyances du muthos.
Le banquet, c'est très étonnant parce que là, où pour la première fois, où la seule fois, où on voit vraiment Socrate se faire dire, non pas une leçon mais en tout cas, être sous l'autorité. D'ailleurs, c'est une histoire qu'il raconte, sous l'autorité de quelqu'un, et ce quelqu'un s'appelle Diotima, hors que cette Diotima, c'est une mystagogue, une prêtresse, une femme qui initie au mystère, du quoi? Du muthos, au mystère de la société traditionnelle.

Tout à coup, la philosophie se met sous l'autorité, le logos se met sous l'autorité du muthos. Alors que d'habitude, on les oppose.

C'est ça qui m'intéresse! Ça ne m'intéresse pas simplement en soi... Mais la raison pour laquelle cela m'intéresse ce n'est pas simplement en soi, c'est parce que dans ce dialogue du banquet, Diotima qui est une femme âgée initie Socrate au fait que la sagesse c'est un rapport de désir. Plus rigoureusement, la sagesse c'est l'objet par excellence du désir.

Hors, le désir délirant, car quand je désire un être, je peux faire n'importe quoi, je peux perdre la tête totalement, commettre un crime. Mais, il est plus généralement, l'objet de mon désir, je le situe toujours sur un plan totalement incommensurable. On pourrait dire, à la limite, pas que je ne franchirais pas, à la limite on pourrait dire, le désir c'est l'objet de l'irrationnel, c'est le déraisonnable. Il se trouve que la sagesse est dans l'objet dans la situation de l'objet du désir dans le banquet. Voilà, pourquoi le banquet est un texte extrêmement important. Donc, s'il y a un texte à lire c'est Ménon et après Ménon c'est le banquet!

Nous allons lire des textes de Ménon, qui est indispensable de connaître pour pouvoir ce qui est enjeu dans Ménon... Dans 3 semaines, je lirais les passages cruciaux de Ménon mais aujourd'hui, le mythe de Perséphone par Socrate dans Ménon. On reviendra dans Ménon beaucoup plus en détail, dans 3 semaines, là où, depuis, le mythe de Perséphone, Socrate d'un seul coup va passer à la démonstration des conditions de calcul de la surface du carré. On va passer de la mystagogie pure à la rationalité pure. On va essayer de comprendre comment il peut faire ça. Qu'est-ce qui fait que cette conversion est possible, que tout à coup, on était tombé dans la mythologie, de la mystagogie, l'irrationnelle, la croyance, la poésie. Comment à partir de ça, il va rebondir dans la géométrie. N'oubliez jamais que les présocratiques, les grands-pères de Platon, Socrate désigne Parménide comme son père et Xénophane est présenté comme le père de Parménide par spirituel bien entendu! Donc, cela vient de grand-père et arrière grand-père de Platon, spirituel.

Ces présocratiques, tous étaient à la fois :


Chez les présocratiques, il n'y a pas d'opposition sur ces différents rôles, ils les jouent en même temps. Ce qui ne va pas s'en poser des problèmes, cela pose certain problème...


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Pour commencer, faire retour à la figure de la prêtresse, de la mystagogue, celle qui initie au mystère dans la tradition des mystères d'Éleusis (pas très loin d'Athènes). C'est là que les grecs chaque année se rendaient en procession, pas tous mais beaucoup pour aller pratiquer l'initiation en tant qu'on appelle des mystes. À quoi? À la mythologie de Perséphone. Ce qui est enjeu à travers Perséphone, qui est donc cité dans Ménon, c'est une citation pas littérale, c'est une tradition encore orale, c'est les mystères d'Éleusis qui ne sont pas mentionné dans le dialogue, pour n'importe quel grec, qui dit Perséphone, dit les mystères d'Éleusis, ça veut dire la même chose. À Éleusis, les Athéniens y allaient pieds nus dans des conditions initiatiques, une vraie expérience physique aussi.

Qu'est ce que commémorent les mystères? L'enlèvement de Perséphone par Hadès et en commémorant, les mystes qui vont aux mystères d'Éleusis qui se font initier aux mystères. Car il y a quelque chose à quoi il faut être initié, ce n'est pas simplement on connait l'histoire du mythe qu'on est initié, il y a donc une conversion. Le myste est là pour être initié, donc c'est une affaire de conversion. Ce que commémorent ces mystes, c'est la lutte de Déméter pour faire revenir au jour, Perséphone.

Perséphone a été enlevée par Hadès, elle est sous terre et dans l'Hadès, dans l'enfer, au royaume des morts et Déméter lutte avec Hadès et sous l'autorité et l'arbitrage de Zeus pour faire revenir sa fille. Et elle veut récupérer sa fille, qui a été abusée. Elle disparaît 3 mois par an, l'arbitrage de Zeus, elle sera 3 mois par an avec son mari, Hadès et les 9 mois restant sortira à la lumière, près de sa mère, Déméter. En fait, Déméter est une déesse de l'agriculture. Car ce que décrit, l'enfouissement de Perséphone et puis son retour, au printemps à la surface de la terre, c'est la végétation. Pour les grecs, 3 mois par an c'est l'hiver, c'est le moment où tout est mort, plus de feuille, plus rien, plus de croissance, plus de végétation! C'est l'expérience de la mort et au printemps tout revit, tout resurgit...

Au début de la Bible, ce sont aussi des mythes agricoles qui sont enjeux, liés à la sédentarisation et que ce soit le judaïsme, le christianisme, l'islam ou ces mythologies-là, comme beaucoup d'autres qu'on trouverait en Inde, au Japon, partout où il y a des cultivateurs. Pas dans les sociétés chamaniques qui sont des sociétés de chasseurs, c'est pour ça que ce n'est pas la même chose, la société magique des Chamanes et la société mystagogique des cultivateurs. Partout où il y a des sédentarisés, on est plus dans le nomadisme des chasseurs cueilleurs...

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Cette référence aux mythes est quand même surprenante chez Platon car il est toujours entrain de condamner, ceux qui racontent des histoires, les poètes, les prêtres, les sophistes. Tout ça, ce sont des gens qui racontent des histoires et en même temps il se réfère toujours aux mythes. Certains mythes qu'il produit lui-même, qu'il invente de toute pièce, d'autres qui sont des mythes de la tradition.


Socrate qui est le héros des dialogues de Platon est entre la société mythique et la société logique. Il est sans cesse entrain de puiser dans les 2 dimensions.


Celle du passé archaïque primordial, celle d'un avenir, un futur, un processus qui est entrain de se transformer.



Et ça c'est très intéressant pour NOUS, les *hommes du 21ème siècle, c'est spécialement important.


N'hésite pas à parler avec Socrate et même avant Socrate, dès les présocratiques... D'un processus qu'il désigne en allemand, comme étant une "Aufklärung", les lumières, une illumination. Désignant le mouvement philosophique du 18ème siècle en Europe occidentale. Le 18ème siècle a été un mouvement d'émancipation en particulier vis à vis de la religion, pas seulement, mais en particulier vis à vis de la religion. De Voltaire jusqu'à kant, qui était un religieux qui défendait la religion révélée mais qui disait en revanche la philosophie doit absolument se séparer. Il y a une théologie possible peut-être mais la philosophie ce n'est pas une théologie et en aucun cas, il n'est possible de philosopher en convoquant, par exemple un concept de Dieu. Dieu peut être une idée mais ce n'est pas un concept. Voltaire est dans un rapport de détachement vis à vis du religieux.

Si *** peut parler d'Aufklärung à propos des présocratiques, ce présocratique-ci, Xénophane au début du - 6ème siècle, un siècle avant Socrate et qui disait

Xénophane : si un bœuf savait peindre, son dieu ressemblerait à un bœuf.

Il remettait en question radicalement, non pas tant les dieux eux-mêmes que les représentations mythologiques des dieux. Que Zeus se présente comme un homme, qu'Athéna se présente comme une femme magnifique. Donc, il récusait ces représentations des dieux.

Socrate Et d'une d'une façon générale, il récusait tout ce qui était facteur de la transmission de ces représentations, par exemple les sculpteurs, mais aussi les peintres (si un bœuf savait peindre), les poètes qui présentaient tout ça d'une manière imagée, etc.

Donc déjà à cette époque-là, il y avait quelque chose, une certaine méfiance d'Xénophane, un siècle avant Socrate vis à vis des producteurs d'étonnement, des poètes et des sophistes.

Ce que nous essayons de comprendre-là, c'est comment Perséphone, plus généralement le dialogue Ménon se situe dans un passage :

De la civilisation du mythe qui est au fait le contexte de l'Iliade et du monde d'Homère, 7 et 8ème siècles avant J-C, 3 à 4 siècles avant Socrate, avant le texte que nous sommes entrain de lire.

Passage de cette tradition ...

À la cité athénienne, où vit Socrate. Où domine maintenant, un débat dialectique. Une confrontation entre paire avec critiques publiques. Une rationalité, une pensée magique.




Ce qui se joue entre Ménon et le banquet. Entre Perséphone et Diotima, c'est à dire entre la mortalité, car Perséphone c'est une déesse de la mort puisque sont mari est Hadès, le dieu des morts et le désir. Perséphone incarne la mort, une mort assez particulière, c'est une mort qui revient, qui ressurgit et qu'on pourrait presque considérer comme une immortalité, mais à mon avis ce n'est pas une immortalité! Même si le texte de Platon dit "athanatos", "immortel". Et d'autre part la relation au désir, Diotima dans le banquet. J'essayerai de vous montrer comment il y a un rapport entre les deux, c'est ça l'enjeu du lien, entre Ménon et le banquet.

Pour ceux qui ont une petite culture Freudienne, vous me voyez venir avec mes gros sabots. Étant donné que Freud, en particulier en 1920 - 21 et 23, va faire une relation entre le désir, la pulsion sexuelle et la pulsion de mort. J'essaye d'articuler des choses qu'on retrouvera au début du 20ème siècle. Dans un langage absolument différent, s'appuyant sur une clinique médicale avec des malades, des patients soignés à l'hôpital. Et c'est aussi ça l'enjeu de ce cours, pour moi. Depuis Platon rebondir sur Freud... (Malgré Michel Onfray) passer au 21ème siècle.

J'ajouterai que Diotima dira dans le banquet que la Sofia (la sagesse), c'est l'objet du désir. Mais d'autre part, si cette Diotima est une prêtresse, si Platon a fait appelle à une prêtresse pour initier Socrate à l'objet du désir, à ce que c'est la question de l'objet du désir, parce que l'objet du désir est un mystère. Et peut-être un mystère, sans solution qui ne serra jamais éclaircit. Parce que si vous éclaircissez le mystère d'un objet d'un désir, il s'évanouit. Vous voulez éteindre (comme Aragon) votre objet de désir et vous le broyez. Aragon quand il croit serrer son bonheur il le broie! Quand il croit enfin le tenir, il le détruit. C'est absolument fondamental, tous ceux qui ont aimé, qui ont eu des histoires d'amour véritable connaissent ça... et la mort est là! Ce désir de serrer et en même temps, ce fait que ça se défait parce que l'objet est plus grand que vous.



Donc, il y a un mystère, après il y a plus de mystère c'est la mort.

C'est ça l'enjeu de la lecture que je vous propose de Platon. Tout ça pour aboutir à être capable de comprendre pourquoi il est possible de démontrer un théorème de mathématique, et je ne plaisante pas du tout. C'est ça l'enjeu de la démonstration mathématique. C'est ça l'enjeu de la question de savoir qu'est ce que c'est la vertu. C'est ça l'enjeu ce qu'Aristote appellera l'ontologie, un discours de ce qui est, c'est ça l'enjeu de la fondation de toute science. L'objet de science, c'est l'objet idéal, le point géométrique est un objet idéal, l'objet de l'amour c'est l'objet idéal. Un objet ne peut être désiré qu'idéaliser, qu'infinitiser. Donc c'est l'idéal qui constitue, le point de tout ça, le point de fuite de tout ça.

Stiegler est un idéaliste, un réactionnaire? Je m'expliquerai plus tard car c'est une réaction de benêt qui se contente de petite catégorisation journalistique et qui ne sont jamais rentré dans les soutes de la pensée. Mais on n'y reviendra.

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Dans Ménon, qui est le dialogue que nous sommes entrain de lire parce que Socrate y parle de l'anamnesis. Résume: Ménon dit à Socrate : tu me demandes ce que c'est la vertu mais tu te fous de moi parce que si tu la reconnaissais déjà tu ne la cherches pas, c'est ça l'aporie. Et Socrate répond : en fait oui tu as raison, je la connais déjà, mais je l'ai oublié. Je la connais déjà car je l'ai déjà toujours connu, elle était là avant en moi, je l'ai hérité de quelque chose qui était dans mon âme. Je la reconnais, réminiscence... anamnesis.



L'anamnesis, Socrate dit, c'est le fondement de tout savoir, un savoir qui ne passe pas par un anamnesis, n'est pas un savoir. Nous verrons en détail, lorsque nous lirons la démonstration de la surface du carré par l'esclave et non pas par Socrate. Nous verrons pourquoi l'anamnesis est la condition de tout véritable savoir. Du moins, de toute véritable connaissance, car ce n'est pas exactement la même chose, le savoir et la connaissance. On peut savoir faire du vélo, sans connaître dans les conditions sur lequel il est possible de faire du vélo.

L'anamnesis qui est donc la base du savoir pour Socrate, dans Ménon, nous voyons, c'est ce qui se passe dans le royaume des morts. C'est ce qui passe par Hadès et par Perséphone et par ceux qui nous initient à leur mystère, par les mystagogues, par les poètes... Poètes héros du banquet, on commence par célébrer en buvant du vin, en se soulant... Que l'ivresse, la folie, c'est l'esprit du vin mais qui est aussi l'esprit en général, dans la Grèce archaïque. En général, pas simplement de l'esprit du vin. Et ce n'est pas par hasard que Platon fait commencer ce dialogue dans le banquet par une beuverie dédié à un poète. C'est une histoire d'ivresse, de folie, de délire. Cela commence par le délire alcoolique et cela se termine par le délire amoureux, sublimé! (Dans le banquet)

00:31:55

L'anamnesis passe par le royaume des morts, passe par Hadès, par le monde mythologique, par le monde du muthos. Elle y est fondée primordialement dans la culture du muthos, cette anamnesis. Si on veut répondre à l'aporie de Ménon. Il y a toutes sortes de cas où l'anamnesis s'est mise en jeu et en œuvre sans qu'on est à réponde à l'aporie de Ménon. Quand on verra Socrate interroger l'esclave et susciter en lui, maïeutiquement, le faire accoucher d'une anamnèse, c'est dont ça qu'il s'agit, la première maïeutique, il le fait accoucher de la vérité, il s'agit pas d'une aporie... L'esclave ne va pas repasser par la mythologie. Il y a plusieurs types d'anamnesis. Ici, on a affaire à une anamnesis primordiale à l'anamnèse de toutes les anamnèses. Une anamnèse de ce qui rend possible les anamnèses.

Socrate : pour répondre à une question comme celle-là, je suis obligé de sortir du champ logique, je suis obligé de passer par le champ mythologique, par les prêtres et les poètes. Cette anamnèse-là! Qu'on pourrait l'appeler la proto-anamnèse, l'archi-anamnèse, l'anamnèse par excellence. Celle qui va dans le plus profond dans l'anamnésique, le plus au fond de se qui est possible de se ressouvenir. Il semble bien qu'elle le relie intimement et irrémédiablement. Ces deux mondes apparemment opposés que sont le monde du muthos et le monde du logos.


Il semble bien qu'elles n'appartiennent pas purement et simplement au monde du logos. Et du coup, on ne puisse pas la dire simplement logique.


C'est capitale cette affaire. Et si on suit mon analyse à la position de Platon, cela veut dire qu'il y a quelque chose qui dépasse l'entendement. La raison même dépasse l'entendement. Kant le dira ne pas confondre la raison et l'entendement. Est-ce que ça veut dire, on ouvre la porte à toutes les mystagogies, magies, irrationalités, astrologies... pas du tout, évidement! On est entrain de rentrer dans les soutes, ce que j'appellerai bientôt l'inconscient. Ce qui est enjeu là dedans c'est l'inconscient.

Pour tenter de l'éclaircir un peu, voir un peu plus clair en restant toujours un peu dans la pénombre. Il faut commencer par étudier la notion, Atê, Ἄτη.

Il faut étudier pour comprendre toutes ces questions entre la mythologie et le logos. Il faut étudier la notion de l'Atê... si nous voulons comprendre de quoi parle Socrate, lorsqu'il emploie le mot : psyché (âme) et lorsqu'il dit tout à coup : stop, mon daimôn me parle, foutez-moi la paix. Et il se retire. Ce qui arrive souvent et en particulier au début du banquet. Tout à coup arrêt, le daimôn s'est emparé de Socrate. Mais d'où sort-il celui-là? Socrate dit être un être daimônique, je suis daimônique, je suis habité par un démon. Et c'est ça la sagesse, c'est à dire la non sagesse. Mon rapport à la sagesse que je désire mais qui me dépasse.

Si on veut comprendre ça il faut étudier l'Atê,

Prenons comme point de départ l'expérience de la tentation ou de l'insufflation divine de la folie (atê) qui incite Agamemnon à compenser la perte de sa maîtresse en enlevant celle d'Achille : "ce n'est pas moi", déclare-t-il plus tard, "qui suis coupable, mais Zeus, et le Destin, et l'Erinys qui marche dans l'obscurité : ceux-là, à l'assemblée, mirent dans mon entendement une atê farouche, ce jour où arbitrairement je dépouillai Achille de sa part d'honneur. Qu'y pouvais-je faire? La divinité fera toujours ce qu'elle voudra". Des lecteurs modernes agacés de cette explication, l'ont parfois rejetée, n'y voyant que de faibles prétextes et une fuite de responsabilité. Mais ceux qui se donnent la peine de lire attentivement, ne seront pas me semble-t-il de cet avis. En parlant ainsi, Agamemnon ne nie assurément pas sa responsabilité juridique, puisque à la fin de son discours il offre des compensations à ce titre précisément : "Mais puisque j'ai été aveuglé par l'atê et que Zeus m'a ravi l'entendement, je suis prêt à faire la paix et à offrir une large compensation." S'il avait agi de son propre gré, il n'aurait pas pu avouer ses torts si aisément; mais les choses étant ce qu'elles sont, il payera le prix de ses actions. Juridiquement, sa situation serait la même dans les deux cas, car la justice grecque, à ses débuts, ne tient pas compte de l'intention -- c'est l'action qui importe.


L'atê est toujours, ou presque toujours, un état d'âme --- un obscurcissement, une perturbation momentanée de la conscience normale. C'est une folie passagère et partielle, et comme toute folie, elle est attribuée, non à des causes physiologiques ou psychologiques, mais à un agent extérieur "démonique". Dans l'Odyssée, certes il est dit qu'une consommation excessive de vin produit l'atê peut être produite naturellement, mais plutôt que le vin a en soi quelque chose de surnaturel et démonique. Cela excepté, il semble donc que les agents qui produisent l'atê, quand ils sont nomnés, soient toujours des êtres surnaturels; nous pouvons par conséquent classer tous les exemples d'atê "non alcoolique" chez Homère sous le chef de ce que je propose d'appeler "l'intervention psychique".


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Mais le trait le plus caractéristique de l'Odyssée est la manière dont ses personnages attribuent toutes sortes d'évènements tant physiques que psychiques à l'intervention d'un daimôn ou d'un "dieu" ou de "dieux" indéterminés et sans nom. Ces êtres assez indéfinis peuvent donner du courage à un moment critique ou enlever à l'homme son entendement, tout comme le font les dieux de l'Iliade. Mais on leur attribue aussi un assez large registre de ce qui pourrait s'appeler, sans trop de rigueur, des "avertissements". Quand un homme a une idée particulièrement brillante ou stupide; quand il reconnaît soudain l'identité d'un personnage ou voit dans un éclair le sens d'un présage, quand il oublie ce dont il aurait pu oublier ou quand il oublie ce dont il aurait dû se souvenir, il y voit, ou quelqu'un d'autre -- du moins s'il faut prendre leurs propos au pied de la lettre --- une intervention psychique d'un de ces êtres surnaturels anonymes.


Et certes, c'est bien ainsi qu'on s'attend à ce que parlent des gens qui croient (ou dont les ancêtres croyaient) à des avertissements quotidiens et constants. La reconnaissance, l'intuition, le souvenir, l'idée brillante ou perverse ont tous ceci en commun qu'ils entrent subitement, comme on dit, "dans la tête". Le plus souvent, l'homme n'est conscient d'aucune observation, d'aucun raisonnement qui les ait amenés. Mais dans ce cas, comment seraient-ils "siens"? Il y a un instant, il ne les avait pas à l'esprit; maintenant ils y sont. Quelque chose les y a mis et ce quelque chose est autre que lui-même. Il n'en sait pas plus.


En résumé, nous pouvons dire que tout écart de la conduite humaine normale dont les causes ne sont pas immédiatement perceptibles, que ce soit à la conscience du sujet lui-même ou à l'observation d'autrui, est attribué à un agent surnaturel; il en est de même pour tout écart peu saisonnier du temps et pour tout comportement inhabituel de la corde d'un arc.


Mes troubles cela a donné : années 70, 80, 90 - 96 - 98 - 2001 - 2002 - 2004 - 2005 - 2006 - 2008 - 2012 - 2013



Mes troubles cela a donné : mais surtout 1990




*Les hommes, les femmes, chez moi les hommes, cela veut dire le genre humain, pas les mâles!


Suite deuxième partie



Ma compréhension par rapport aux couleurs :

Mes commentaires

Compréhension

Mot clé

Trouble


Rouge = MOI - SOI
GRIS = VOUS
BRUN = Tertiaire - MONDE
Orange = Poisson noétique
Turquoise = Personnages
Bleu = Oeil du cyclone - Mort
Rose = Les sophistes
Vert = Les questions

Par rapport à nous ~~~~~~~~~~~ Par rapport à soi




Cours en différé du 5 février 2011- Cours8 - 1 de Bernard Stiegler à l'école de philosophie d'Epineuil le Fleuriel,




Janvier 2015